Etes-vous prêt à utiliser des pièces issues de l’économie circulaire ?

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Les pièces issues de l’économie circulaire poursuivent posément leur croissance en termes de parts de marché, mais de nombreux défis les attendent, comme l’amélioration de l’image, la digitalisation ou encore l’identification des leviers de croissance.

Pour mémoire, la pièce issue de l’économie circulaire provient d’un centre de véhicules hors d’usage agréé par l’Etat ou est appelée échange standard lorsque la pièce est remise en état selon les spécifications du fabricant. Depuis le 1er janvier 2017, les professionnels de l’entretien et de la réparation doivent proposer aux automobilistes une alternative à la pièce neuve, et depuis le 1er avril 2019, ils ont une obligation d’information (via un affichage clair, visible et lisible de l’extérieur au niveau de l’entrée du public et sur leur site internet).

Selon Julien Dubois, président de France Auto Reman, la loi est une bonne base, mais c’est également la conscience du climat qui doit engager. Il est important que les professionnels rendent accessible la Piec (pièces issues de l’économie circulaire) et la garantissent, tant en quantité qu’en qualité.

Une part de marché encore modeste

Stéphane Brault-Scaillet, cofondateur et P-DG de Reparcar, distingue de manière macroéconomique la hausse de la demande des professionnels comme des automobilistes.

Un point important quand on sait que le recyclage des pièces est encore très dépendant de la demande. Par ailleurs, dans ce contexte de crises de ces derniers temps, on peut être ravi d’économiser jusqu’à 70% du prix par rapport à une pièce neuve !

Pour Luc Fournier, directeur de l’activité Piec chez Alliance Automotive Group (Back-2Car), la Piec est la solution économique dans cette période inflationniste, car pour le moment, les crises, et notamment l’inflation n’affectent pas encore la stabilité des prix. Ces derniers dépendent de l’offre et de la demande, légèrement en baisse en raison notamment du recul de la sinistralité avec la crise sanitaire. L’inflation fait néanmoins craindre aux centres VHU un fort impact du coût de l’énergie sur leur activité.

Globalement, la part de marché des Piec (60% carrosserie et 40% mécanique) est encore timide avec une estimation entre 4 et 5% de part de marché, seulement deux petits points de plus qu’il y a deux ans, quand la moyenne européenne est à 5%. La France reste loin derrière les pays scandinaves ou les Etats-Unis (15% de PDM).

Et ce, malgré un volume de ventes en hausse tous les mois, notamment grâce au soutien des assureurs. Fabrice Henriot, président d’Allo Casse Auto, confirme que les compagnies d’assurance s’impliquent, notamment en prenant conscience de l’impact environnemental réduit de cette offre alternative. Aujourd’hui plus du 12% des dossiers contiennent de la pièce de réemploi. Pour Laurent Assis-Arantes, co-fondateur et P-DG d’Opisto, le challenge à relever est de faire évoluer les mentalités et ainsi sensibiliser professionnels et automobilistes.

Identifier les leviers de croissance

D’une part, on tente de convaincre les automobilistes d’entretenir et de réparer son véhicule de manière plus écologique, en plus du biais économique. D’autre part, il est également important de comprendre qu’on « n’est pas une prestation au rabais ». Le cofondateur d’Opisto pense qu’il est aussi essentiel de communiquer auprès des garagistes.

Il reste encore à trouver une entente entre les différents acteurs, assureurs, experts et réparateurs, sur la question de la valeur et de la prise en charge. Malgré les contraintes, Laurent Assis-Arantes plaide également pour la valorisation de toute la filière. Pour cela, il serait judicieux d’engager un travail sur le tarif et la valeur du savoir-faire du professionnel. L’enjeu est vraiment d’œuvrer pour changer les mentalités à tous les niveaux.

Fabrice Henriot abonde dans ce sens et souligne l’importance d’une communication de la part des trois acteurs majeurs : l’état, les constructeurs (et les éco-organismes) et les assureurs. L’image que traînent les casses automobiles doit également être améliorée, autant chez les particuliers que chez les professionnels afin d’attirer des talents. Si toute la filière se mobilise, la part de marché de la Piec pourrait atteindre 8 ou 9% d’ici 2025. Chez France Auto Reman, la valorisation de la filière passe tout d’abord par la création du club des déconstructeurs, qui permet de trouver des synergies autour du réemploi et de l’écologie, mais également par le lancement d’une labellisation qui vient réassurer les professionnels sur la qualité des produits. En dehors de l’image, les autres difficultés pointées du doigt sont le transport et l’expédition rapide, des problématiques.

Des standards qui se rapprochent des pièces neuves

Les crises, et notamment l’inflation, ont pour aspect positif de motiver les automobilistes à se tourner vers les offres alternatives moins chères. Pour Julien Dubois, président de France

Auto Reman, la croissance passe également par le fait de rendre les gammes accessibles par les constructeurs et les manufacturiers. Par ailleurs, les centres VHU deviennent de plus en plus structurés et compétitifs. Julien Dubois note une montée en gamme des déconstructeurs qui jouent le jeu. La pertinence de l’offre passe également par la livraison, qui s’est considérablement améliorée ces dernières années. On est passé de plusieurs jours de délais, au standard des 24/48 heures, et ce malgré les problèmes que rencontre la filière du transport (pénurie de main d’œuvre notamment). L’enjeu pour Luc Fournier est également de travailler à l’amélioration de la qualité des pièces et ainsi de limiter le taux de retour.

L’enjeu de de la digitalisation

Fabrice Henriot, président d’Allo Casse Auto, souligne la digitalisation progressive du marché. Les pièces sont contrôlées, tracées (référence constructeur ou équipementier) et informatisées. Prises en photo, les pièces sont ensuite mises en rayon et visibles sur internet.

Malgré le contexte de pénurie, Luc Fournier appuie sur l’accompagnement de l’informatisation des stocks et des ventes (bons référencements pour une montée en puissance de la production). De son côté, la startup de Stéphane Brault-Scaillet propose désormais Reparcar Pro qui permet de simplifier les démarches des professionnels. L’outil permet aux garagistes d’être transparents quant à leur prix, d’avoir un seul fournisseur pour sa comptabilité.

Une réponse pour un parc vieillissant

L’âge moyen du parc automobile français tourne autour de 19 ans. Et sans même aborder la question de la pénurie des pièces neuves, la pièce d’occasion répond parfaitement au besoin d’entretien/réparation de ce segment. Elle permet ainsi de prolonger la durée de vie des voitures. Les crises n’ébranlent que très peu le changement structurel qu’impose la politique du véhicule électrique, qui amène ses propres problématiques de réparation et d’entretien, comme celles des batteries.

Le vœu de Julien Dubois, président de France Auto Reman, est d’atteindre les 10% de part de marché à l’échelle européenne d’ici 10 ans, dans le cas où il y aurait une « concentration de l’offre » comme le souhaite Stéphane Brault-Scaillet. Luc Fournier s’avance prudemment et table sur une hausse d’un ou de deux points d’ici 2025. La Piec, ce n’est pas que du bricolage, c’est aussi tout un ensemble : l’emploi local, l’écologie et l’économie ou encore la réindustrialisation du territoire.

Luc Fournier, directeur de l’activité Piec chez Alliance Automotive Group (Back2Car), ajoute que la Piec a une vertu de green business et engage une nouvelle dynamique sociétale. Il ne serait pas étonnant de voir le marché doubler d’ici cinq ans, selon le président d’Allo Casse Auto, qui prévoit un bel avenir pour la Piec, bien que plus concurrentiel.

Par ailleurs, seule une quinzaine de pièces est prélevée sur un véhicule pour le moment, mais comme le précise Fabrice Henriot, c’est une question de taille, de structure mais surtout de demande. Luc Fournier ajoute qu’il faut désormais élargir ses portefeuilles de produits et de clients afin de tirer le marché vers le haut.

Article rédigé en collaboration avec Décision Atelier Aftermarket, le magazine de référence des réparateurs automobiles édité par ETAI.